« Les plus et les moins du parage naturel »


 Il y a quelques mois, un reportage sur le parage naturel fut présenté à La Semaine Verte de Radio-Canada. Comme bien des amateurs de chevaux, j'ai écouté attentivement ce qui s'y est dit. On a expliqué sommairement en quoi consistait cette technique de taillage de sabots très populaire en Europe et que quelques techniciens tentent de faire accepter au Québec. Un chercheur français, inconditionnel du parage naturel, n'y est pas allé avec le dos de la cuillère en affirmant que TOUS les chevaux ferrés avaient mal au dos. Il a même appuyé sur le dos d'un cheval ferré qui s'est courbé de douleur. Ca m'a bien fait rire, comme plusieurs d'entre vous probablement. Evidemment, on avait choisi un cheval qui devait avoir pris un bon rafraîchissement! Ensuite, un vétérinaire québécois se fit plus nuancé en expliquant que le parage naturel pouvait être adéquat selon les terrains empruntés et l'utilisation du cheval. En effet, pourquoi tenir un cheval ferré qui passe sa vie en box ? Mais si vous ridez votre monture en terrain accidenté ou rocailleux quotidiennement, le ferrage s'impose pour protéger le sabot du cheval.
 
1. Technique de parage naturel 101.
 


 Le dessous du sabot : la fourchette, les talons et les barres, la paroi et la sole sont les parties à retenir.

 
Qu'il s'agisse de taillage de sabots ou de parage naturel, les opérations sont sensiblement les mêmes.
a) d'abord, nettoyer le sabot avec un cure-pied pour bien vérifier le travail à effectuer.  


  Il est important de vérifier les aplombs du cheval avant de commencer le parage.
 

b) parer le petit pied et dégager la fourchette des talons de façon à créer un mince canal pour prévenir la pourriture de la fourchette.
c) éliminer le surplus des barres. 


 Le sabot nettoyé, on voit bien ici qu'il faut abaisser les barres, nettement trop hautes.

d) tailler la paroi.
e) égaliser les talons avec la râpe.
f) enlever la sole inutile ou morte.
g) râper la paroi.
h) sur le pivot, râper le pourtour du sabot et ajuster l'angle du pied.  


Le sabot sur le pivot, on fait la finition : pourtour  et angle du pied.

 
Si le cheval reste nu-pieds, le maréchal ferrant, comme le pareur, laissera toute la bonne sole. Cette sole protectrice durcira et empêchera le cheval de buter sur la moindre inégalité du sol. Toutefois, les pareurs naturels abaisseront les talons en suivant la ligne de la paroi.  


Aperçu du sabot après les barres abaissées. On a aussi suivi la ligne de la paroi et égalisé les talons.



Leur but : activer la circulation du sang par l'appui constant de la fourchette. Le maréchal ferrant, quant à lui, lors du ferrage, râpera davantage la sole de façon à ce que le fer porte également sur tout le sabot du cheval. Et les talons seront seulement égalisés, rarement abaissés.
 
2. Les + du parage naturel.
 
Si vous consultez le site du parage naturel, vous entendrez, en interview, une vétérinaire allemande vanter les mérites de cette technique. Propriétaire-directrice d'un refuge pour chevaux éclopés, elle ne compte plus les rétablissements de maladie naviculaire et de fourbure. En abaissant les talons, la circulation du sang est activée et, si l'os naviculaire n'est pas égrené, l'inflammation se résorbe. Après 2 parages, le rétablissement est complet. Quant aux cas de fourbure, un parage mensuel donne les mêmes résultats. Incroyable, me direz-vous ?
 
J'ai fait l'expérience sur 2 cas de naviculaire avancé. En abaissant seulement les talons, une nette amélioration fut constatée en moins d'une semaine. Après 2 parages, les raideurs et boiteries des 2 chevaux s'étaient améliorées de 75 à 90 %.
J'ai traité une jument poulinière atteinte de fourbure qui avait peine à se lever. J'ai même été obligé de la parer couchée tellement elle avait des difficultés. J'ai abaissé les talons, enlevé passablement de sole et râpé en rond la paroi en pince. Après 5 jours, la jument était, certes, encore raide, mais pouvait se déplacer et avait recouvré l'appétit, l'inflammation et la fièvre ayant beaucoup diminué.
 
D'autre part, si vous utilisez peu votre monture ou si vous ne ridez que dans un manège sablonneux, le parage naturel conviendra parfaitement puisque la sole durcira au contact d'un sol régulier et protégera parfaitement le pied du cheval. 


Si vous ne ridez que dans un ring ou sur terrain sablonneux, le parage naturel conviendra parfaitement.
Star Night, jument croisée QH, semble tout à fait confortable.

 
3. Les - du parage naturel.
 
Même si les adeptes du parage naturel affirment que cette technique est parfaite pour tous les chevaux sur absolument tous les types de terrains, permettez-moi d'exprimer des réticences. J'ai paré régulièrement un gelding Appaloosa de 10 ans pour une cliente pendant un an.    


Voici Tom, le gelding Appaloosa en question.

Le cheval était soit au box, soit au pâturage. Pas de problème. Toutefois, lorsque je l'ai ridé sur l'asphalte, après 2 milles, il marchait avec difficulté et cherchait à se réfugier sur la pelouse du bord du chemin. Le lendemain, je décidai de le ferrer et je me rendis compte que la corne disponible pour appliquer les clous en pince se faisait rare. En effet, le parage naturel privilégie l'appui en sole et, pour éviter les fissures de la paroi, on recommande de râper la pince en rond ce qui a pour effet de diminuer l'espace pour insérer les clous. Bref, il est plus aisé de parer naturellement un cheval dont on a enlevé les fers que de ferrer un cheval qui a été paré naturellement.
 
4. L'opinion du maréchal ferrant.
 
Pour les maréchals ferrants, les problèmes de pieds sont dus, la plupart du temps, à des talons trop bas et au fait que le cheval a été ridé nu-pieds !!!
Le traitement proposé pour la fourbure est de garder le cheval ferré pour amoindrir la souffrance des parties vivantes de son pied, de referrer aux 3 semaines en enlevant la corne malade jusqu'à ce que la nouvelle corne ait fait disparaître toute trace de fourbure.
Pour ce qui est de la maladie naviculaire, il est recommandé de ferrer le cheval en relevant la pince du fer. En même temps, une plaque de cuir insérée entre le fer et le sabot contribuera à amoindrir la pression douloureuse du sol contre ce dernier. Certains maréchals proposeront même d'installer le fer à l'envers, c'est-à-dire la pince aux talons et les éponges en pince.  


Certains maréchals ferrants appliquent le fer à l'envers pour soulager le cheval atteint de la maladie naviculaire.
Les résultats ne sont pas toujours concluants.

 
5. Conclusion.
 
Qui a raison ? Le maréchal ferrant ou le pareur naturel ?
Le maréchal ferrant consciencieux et à jour ne taillera pas le sabot du cheval de la même manière s'il doit rester nu-pieds que pour le préparer à être ferré. Il n'enlèvera que la sole inutile ou malade. J'ai connu, par ailleurs, un vieux forgeron, décédé en 2009, M. Georges-Edouard Pelchat de St-Honoré de Shenley qui avait sa propre façon de faire. Après avoir paré son petit pied, il ajustait et abaissait ses talons quelque peu pour éviter que le pied ne serre et que la fourchette ne pourrisse.
 
Finalement, les 2 techniques ne sont pas si différentes l'une de l'autre. Il faut donc éviter de s'emballer ou de se fermer.


Mes expériences d'entraîneur et de maréchal ferrant m'amènent à ces 3 suggestions :
1. si vous ridez régulièrement votre cheval sur l'asphalte, le gravier et pendant des journées entières, il vaut mieux qu'il soit ferré.
2. si vous utilisez peu votre monture ou si vous la ridez dans un manège en sable, sur des sentiers terreux mous ou herbeux, le parage naturel conviendra.
3. si vous n'utilisez pas ou très peu votre cheval en hiver, accordez-lui un répit de ferrage et tentez l'expérience du parage naturel.
 
Alors, soyez heureux et épanoui sur votre monture ferrée ou bien parée. Et bonne route !  


  Soyez heureux sur votre monture ferrée ou bien parée. Ici, Montana Kid, superbe gelding Paint tobiano.

 
N'hésitez pas à me faire part de vos commentaires, questions et suggestions à ranchdesnoyers@hotmail.com.
 
Prochaine chronique : Manipulation et entraînement du poulain au sevrage.