« Ferrage ou parage naturel »
J'aimerais vous entretenir, ce mois-ci, d'une tendance de plus en plus
en vogue dans le monde équestre. Quelques lecteurs, lectrices
assidu(e)s des Chroniques du Ranch des Noyers m'ont d'ailleurs demandé
un avis sur le sujet : le parage naturel.
1. Ferré ou pas.
Précisons tout d'abord que le poulain ne naît pas le fer au pied. Le
fer ne fait que corriger certaines déviations ou malformations.
D'ailleurs, dans les films western traitant de la 2e moitié du XIXe
siècle où on retrouve cowboys et Indiens, les chevaux des premiers sont
ferrés et ceux des Indiens ne le sont pas. Pourtant, les montures
des 2 camps semblent tout aussi à l'aise les unes que les autres.
D'autre part, les juments poulinières de grands ranchs des USA et de
l'Ouest canadien sont très rarement ferrées. Et elles ne s'en portent
pas plus mal pour autant.
Aperçu d'un troupeau de 75 juments poulinières dans un ranch de Peace River, au nord de l'Alberta.
Toutefois, le ferrage s'avère utile, voire même nécessaire, pour
certains chevaux dépendant de leur utilisation, des sentiers empruntés
et des distances à parcourir. Par exemple, il est inutile de ferrer un
cheval au pâturage qu'on ne sellera que 2 ou 3 fois pendant l'été.
Comme il sera indispensable de le ferrer si on le "ride" 20 km par jour
5 jours par semaine.
2. Le parage naturel.
Depuis quelques années, plusieurs cavaliers québécois expérimentent
et/ou adoptent le parage naturel. Cette philosophie prétend qu'un
cheval peut travailler sans être ferré (nu-pieds) pourvu qu'on sache
tailler, entretenir et nourrir son sabot. Une polémique entre maréchaux
ferrants et techniciens du parage naturel s'est engagée en France et je
peux vous dire que les couteaux volent bas. On se traite aller-retour
d'incompétents et on "tire la couverte" chacun de son côté. Le maréchal
ferrant défend sa discipline d'expert prétendant que les pareurs
naturels ne jouissent que d'une formation en clinique d'environ 3
semaines. Les techniciens en parage naturel assurent, pour leur part,
que leur façon de faire est avant-gardiste, moderne et se fait dans le
respect de la nature et de l'animal. Qui croire? Bien sûr, il existe
une chasse gardée de longue date pour le maréchal ferrant. C'est une
question de gros sous. La plupart des maréchaux ferrants de renom ont
un horaire chargé d'écuries bien remplies qu'ils visitent régulièrement
aux 6 à 8 semaines.
M. Georges-Edouard Pelchat, maréchal ferrant au travail.
3. Le pied du cheval.
Physiologie du sabot du cheval.
a) la paroi - Le poids du
cheval est supporté par la paroi, non par la sole. Elle équivaut à
l'ongle chez l'humain. La corne qui garnit la paroi pousse d'une
manière égale sur tout le pourtour du sabot.
b) la pince - C'est la partie
avant de la paroi. On peut corriger, avec le temps, certains vices
d'allures en râpant le côté interne ou externe de la pince ( cheval
panard, cheval qui trébuche, qui forge ou se coupe).
c) la ligne blanche - La ligne blanche qui entoure la sole marque la jonction avec la paroi.
d) la sole - Une sole bien
conformée ne doit pas prendre contact avec le sol. Prendre soin de
rabaisser la sole par rapport à la paroi sinon le sabot aura tendance à
allonger démesurément et éventuellement à se déformer en pince.
e) la fourchette - Elle permet
aux fibrocartilages de la 3e phalange de s'écarter et au coussinet
plantaire d'amortir le choc. En plus de jouer le rôle d'une pompe à
sang, le cheval peut sentir le terrain grâce à elle.
f) les barres - Il faut parer
les barres, mais pas plus bas que le niveau de la paroi en talons.
Elles contribuent au support et à la solidité de la paroi. Toutefois,
éviter qu'elles ne prennent trop d'expansion et rejoignent la
fourchette, ce qui pourrait provoquer la pourriture de la fouchette.
g) les talons - Les talons
doivent être uniformément de la même hauteur et gardés hauts. Si trop
bas, on expose le cheval à divers problèmes, entre autres inflammation
des tendons, foubure et maladie naviculaire.
4. Les pour et les contre.
Prenons pour acquis que "si le cheval n'a pas absolument besoin d'être
ferré, le mieux à faire est de le laisser aller nu-pieds de façon que
ses sabots fonctionnent normalement comme le veut la Nature"
(Robert F. Wiseman, maître maréchal ferrant américain).
Le cheval qui travaille en terrain sablonneux ou détrempé peut ne
jamais être ferré et n'exiger qu'un parage régulier de sa corne.
Toutefois, celui qui travaille en terrain rocailleux doit être ferré.
D'autre part, un sabot large et aplati s'use très vite et exige un fer
alors qu'un sabot à paroi épaisse et dure peut s'en passer. Ajoutons
aussi que le fer empêche le sabot de s'user trop vite et le protège des
infractuosités du terrain. Il lui permet aussi de mieux s'ancrer dans
le sol et de guérir plus facilement en cas de blessure. Le fer peut
finalement corriger ou améliorer les vices d'allures du cheval. Il
appartient donc au cavalier, dépendant de l'usage qu'il fait de sa
monture, de décider de ferrer ou non son cheval.
5. Le ferrage au secours de cas de fourbure.
Il y a plusieurs années, j'ai acheté une magnifique jument QH noire
atteinte de fourbure destinée à l'abattoir. Elle passait ses journées
entières couchée et marchait péniblement. Ajoutons qu'elle avait un
surplus de poids considérable. Je la mis à la diète tout de suite. Le
lendemain de son arrivée, j'entrepris de la ferrer. J'enlevai le
surplus de paroi pourrie et lui mis des fers en avant. Ce ne fut pas
une tâche facile, croyez-moi : la jument s'arrachait la patte presqu'à
chaque coup de marteau sur le clou. Une fois ferrée en avant et parée
en arrière, je confectionnai une mixture-miracle recommandée, encore
une fois, par mon mentor maréchal ferrant Georges-Ed. Pelchat :
2 parts d'huile d'Olive,
1 part de térébenthine (et non de diluant à peinture),
1 carré de camphre râpé fin.
Appliquer abondamment 2 fois par jour cette mixture avec un pinceau sur
la couronne du sabot. La corne poussera 2 fois plus vite et vous
pourrez enlever à nouveau la pourriture de la corne au bout d'un mois.
Au 2e ferrage, la jument ressentait beaucoup moins de douleur lorsqu'on
appliquait les clous. Au 3e ferrage, la corne était quasi-réparée et la
jument trottait allègrement. Après 3 mois de traitement, le problème de
fourbure était tout à fait résolu. Je pouvais travailler avec la jument
sur des distances variant entre 2 et 5 milles
quotidiennement.
Mr TAZ , magnifique poulain noir croisé Paint/Canadien âgé de 3 1/2 ans faisant déjà plus de 15.3 mains.
Dans un cas de fourbure chronique, le ferrage s'avère nécessaire.
Nu-pieds, le cheval ressentira trop de douleur lorsqu'il voudra se
déplacer. La fonction du fer sera ici de protéger la paroi sensible et
de permettre à l'animal de se mouvoir avec plus de facilité. Ajoutons
ici qu'un fer correctif améliore la mobilité du cheval atteint de la
maladie naviculaire.
6. Conclusion.
Le vieux dicton "Pas de pieds, pas de cheval" sera toujours
d'actualité. Il appartient au cavalier, répétons-le, de juger si son
cheval doit être ferré ou non. Et il existe autant de maréchaux
ferrants que de pareurs naturels incompétents. Mon expérience
personnelle m'amène à croire que le maréchal ferrant expérimenté et
consciencieux sera toujours l'homme de la situation pour parer et/ou
ferrer les sabots d'un cheval.
N'hésitez à me faire part de vos commentaires, questions, suggestions ou autre à ranchdesnoyers@hotmail.com
Chronique du mois de septembre : Le poulain, de la naissance à 3 ans.